Il y a 90 ans…
Il y a 90 ans, le 11 novembre 1918, cessait le son des armes qui avait empli pendant quatre longues années le ciel de France. Bien sûr, je n'y étais pas mais j'ai le privilège d'en avoir entendu parler par quelqu'un qui y était, mon père, et j'aimerais partager ces souvenirs avec tous ceux qui n'ont pas eu la chance d'en avoir.
En 1915 mon père entre à Saint Cyr. En 1916, après un an d'école, toute la promotion se porte volontaire et s'engage et c'est au front, comme simple deuxième classe, que ces très jeunes gens (mon père n'a que 18 ans) vont servir leur pays. Malchanceux mon père est gazé, chanceux il n'en meurt pas et est fait prisonnier par les allemands. Suivent les souvenirs de captivité en Allemagne : le pain sucé pour le faire durer, le thé des colis de la Croix rouge passé 20 à 25 fois avant d'être roulé dans du papier journal pour en faire des cigarettes, elles aussi destinées à tromper la faim, les barbelés portés à dos nus …
Et puis, le 11 novembre 1918 et le retour de captivité. L'accueil plein de sollicitude de cette grande famille qui porte le nom d'Armée qui rappelle aux survivants qu'il doivent maintenant faire leur deuxième année de Saint Cyr.
Fin de mes souvenirs ? Non, pas vraiment car j'ai encore dans mon grenier des casques à pointe ramenés de la guerre par mon père, de tous petits casques à pointe qui me font prendre conscience du fait que, de part et d'autre, c'étaient des enfants qui se battaient jusqu'à la mort. Non, parce que l'ypérite respirée sur le champ de bataille de 1916, poursuivra mon père toute sa vie et aura finalement raison de lui à 69 ans dans le cadre, bien sûr, des hôpitaux militaires qu'il aura connu toute sa vie.
Ce sont ces quelques souvenirs d'un époque condamnée à l'oubli dont je voulais me faire le témoin pour le bénéfice de ceux qui n'ont pas eu l'opportunité d'avoir des souvenirs.
Luc Béliard.